12 juin 2019

[Recension] Xavier BARRAL I ALTET, Pál LOVEI, Vinni LUCHERINI, Imre TAKACS (éd.), The Art of Medieval Hungary, Viella, 2018

The Art of Medieval Hungary (éditions Viella, Bibliotheca Academiae Hungariae – Roma. Studia : n° 7, 2018 | https://www.viella.it/libro/9788867286614) est né d’une volonté de regrouper les travaux de recherche les plus récents sur l’art médiéval hongrois* afin d’offrir une vision actualisée des arts roman et gothique au sein d’un pays de l’Europe médiane placé au carrefour des échanges commerciaux, intellectuels et artistiques entre l’est et l’ouest européens depuis la fixation du peuple magyar dans le bassin du Danube, voici plus d’un millénaire, et la fondation d’un Etat chrétien par Etienne Ier de Hongrie/Saint Etienne († 1038).
Cette ambitieuse entreprise, sous l’égide de l’Académie hongroise de Rome (Institut Balassi) et de son ancien directeur Antal Molnár, est pilotée par quatre grands spécialistes : Xavier Barral i Altet, professeur émérite d’Histoire de l’art médiéval (Université de Rennes), Pál Lővei, historien de l’architecture médiévale (Centre de recherches en Sciences humaines de l’Académie Hongroise des Sciences), Vinni Lucherini, professeure d’Histoire de l’art médiéval (Université de Naples-Frédéric II), et Imre Takács, historien de l’art médiéval (Université Loránd Eötvös-elte, Budapest), ancien directeur du Musée hongrois des Arts décoratifs (Iparművészeti Múzeum, Budapest).
En toute logique, au vu de la situation géographique et géopolitique de ce territoire aux frontières sans cesse fluctuantes, c’est dans ses rapports avec l’architecture et la production artistique européennes que l’art de la Hongrie médiévale est appréhendé dans ce volume, le royaume ayant entretenu de fortes relations avec différentes entités politiques voisines ou plus éloignées (Pologne, Bohême et Croatie, ponctuellement associées à la couronne hongroise, mais aussi France capétienne, Italie, Empire germanique et monde byzantin).
Xavier Barral i Altet, coéditeur de l’ouvrage, ouvre celui-ci par une introduction générale (« Hungarian Medieval Art from a European Point of View ») permettant de saisir d’emblée le caractère éminemment original, inventif et flexible de l’art médiéval hongrois, perméable aux apports exogènes et cependant teinté de spécificités locales.
Cinq parties, thématiques et complémentaires, composent le livre :
I. Sources and Studies for Hungarian Medieval Art. Ce premier volet est centré sur l’historiographie de l’art médiéval hongrois. Ernő Marosi, dans « Two Centuries of Research, from the Austro-Hungarian Monarchy to the Present », propose l’indispensable état de la question que vient compléter Kornél Szovák avec « Written Sources on Hungarian Medieval Art History », un inventaire riche et enthousiasmant de la très grande variété des sources, inédites ou non, sur lesquelles s’appuyer pour une étude fine de l’art médiéval en Hongrie. Ces deux contributions liminaires esquissent le cadre historique et méthodologique nécessaire pour saisir la suite de l’ouvrage.
II. City and Territory : une deuxième partie rassemble quatre essais portant sur la constitution des villes, leur expansion tout au long du Moyen Age et les caractéristiques de leur parure monumentale (Katalin Szende, « Towns and Urban Networks in the Carpathian Basin between the Eleventh and the Early Sixteenth Centuries », et Pál Lővei, « Urban Architecture »), mais également sur l’édification, la décoration, l’ameublement liturgique et le rôle social des églises paroissiales en contexte rural (Zsombor Jékely, « Expansion to the Countryside : Rural Architecture in Medieval Hungary ») ainsi que sur la construction et l’entretien des lieux de résidence ou de défense ponctuant les campagnes hongroises (István Feld, « Castles, Mansions, and Manor Houses in Medieval Hungary »). Les témoins monumentaux de la création artistique dans la Hongrie médiévale ont bien souffert des vicissitudes de l’histoire – incursions tatares, destructions consécutives à l’invasion ottomane et aux combats pour la reconquête des territoires soumis à la domination turque : pourtant, des édifices médiévaux subsistent et peuvent encore apporter leur lot de découvertes archéologiques.
III. Architecture and Art in the Context of Liturgy. Les expressions architecturales et sculptées, en terres hongroises, de l’art roman (Béla Zsolt Szakács, « Romanesque Architecture : Abbeys and Cathedrals », et Krisztina Havasi, « Romanesque Sculpture in Medieval Hungary ») puis de l’art gothique (Imre Takács, « The First Century of Gothic in Hungary » ; Pál Lővei et Imre Takács, coéditeurs de l’ouvrage, « “Hungarian Trecento” : Art in the Angevin Era ») sont analysées à travers quatre contributions qui couvrent essentiellement l’art des XIIe-XIVe siècles, des Árpáds aux Angevins. Gábor Endrődi consacre en outre un essai final aux retables tardo-médiévaux (« Winged Altarpieces in Medieval Hungary »).
IV. Religious Cults and Symbols of Power. Les essais de Gábor Klaniczay (« The Cult of the Saints and their Artistic Representation in Recent Hungarian Historiography »), Vinni Lucherini, coéditrice de l’ouvrage (« The Artistic Visualization of the Concept of Kingship in Angevin Hungary »), et Pál Lővei (« Epigraphy and Tomb Sculpture ») s’attachent à présenter les principales manifestations artistiques du pouvoir et de la piété dans la Hongrie médiévale.
V. Forms of Art between Public and Private Use. La constitution des trésors liturgiques et la culture livresque sont respectivement abordées dans les articles d’Evelin Wetter (« Precious Metalwork and Textile Treasures in Late Medieval Hungary ») et d’Anna Boreczky (« Book Culture in Medieval Hungary »).
VI. The Middle Ages after the Middle Ages. La charnière entre Moyen Age et Renaissance correspond aux règnes majeurs de Sigismond de Luxembourg (Imre Takács, « Medieval Twilight or Early Modern Dawn : Art in the Era of Sigismund of Luxembourg ») et, surtout, de Matthias Corvin (Árpád Mikó, « A Renaissance Dream : Arts in the Court of King Matthias »), qui développa la Hongrie sur les plans politique et culturel : deux essais rendent compte de l’efflorescence artistique marquant alors le royaume. Enfin, Gábor György Papp, dans « Medievalism in Nineteenth-Century Hungarian Architecture », traite de l’utilisation historiciste du style gothique dans la création architecturale hongroise au XIXe siècle.
Deux annexes viennent clore l’ouvrage, déjà riche d’un bilan exhaustif des sources et du matériel bibliographique relatifs à l’art médiéval hongrois, livré en introduction :
— la première annexe, « Medieval Artworks and Monuments », consiste en une vingtaine de petites monographies d’œuvres et de monuments médiévaux hongrois parmi les plus importants (la chasuble de saint Etienne – ultérieurement manteau du sacre des rois de Hongrie – et la Sainte Couronne hongroise exposée sous le dôme du Parlement à Budapest, les abbayes bénédictines de Ják et de Tihany, l’ancienne basilique royale de Székesfehérvár [Alba Regia], les cathédrales médiévales de Pécs, d’Esztergom – première cathédrale de Hongrie – ou encore de Gyulafehérvár [aujourd’hui Alba Iulia, Transylvanie], le tympan de l’église de Szentkirály (rare figuration d’un couple de donateurs laïcs entourant le Christ, c. 1230), le palais royal de Visegrád, la statuaire du palais royal de Buda, le château des Corvin à Vajdahunyad [aujourd’hui Hunedoara, Transylvanie], l’église augustinienne de Siklós et ses peintures murales, la Képes Krónika ou Chronicon Pictum (XIVe siècle), le retable de sainte Elisabeth dans le chœur de la cathédrale de Kassa [aujourd’hui Košice, Slovaquie], etc.).
— la seconde annexe, « Museums and Collections Holding Medieval Art », propose au lecteur de parcourir les collections publiques hongroises (Musée des Beaux-Arts de Budapest [cf. http://www.mfab.hu/collections/old-hungarian-collection], Musée historique de Budapest [cf. http://www.btm.hu/en/timeline?museumid=1#headline], Galerie nationale hongroise [cf. https://en.mng.hu/exhibitions/gothic-art et http://en.mng.hu/exhibitions/late-gothic-winged-altarpieces], Musée national hongrois [cf. https://mnm.hu/en/collections] et Musée chrétien d’Esztergom [cf. http://keresztenymuzeum.hu/collections.php?mode=collection&cid=1]) à la découverte des œuvres d’art médiéval qui y sont conservées : les peintures et sculptures tardo-gothiques, de grande qualité, représentent une part éclatante du patrimoine artistique médiéval préservé par les institutions hongroises, qui abritent des fonds diversifiés.
Ce bel ouvrage anglophone (un atout majeur pour la visibilité internationale de ces travaux), abondamment illustré, constitue une somme impressionnante d’érudition (732 pages !) et une synthèse bienvenue sur l’art médiéval en Hongrie : il permet surtout de prendre la mesure de la richesse de la recherche hongroise sur le sujet. S’affranchissant de plus en plus des découpages chronologiques traditionnels, les travaux actuels plaident pour un renouvellement des perspectives et invitent les chercheurs européens à porter un regard plus attentif sur la création artistique médiévale en Hongrie.

* L’usage de ce terme est débattu à plusieurs reprises : Anna Boreczky lui préfère notamment celui d’« indigène », ne conservant l’adjectif « hongrois » que pour qualifier le royaume magyar au Moyen Age.


Sabine Berger, 12 juin 2019

La chapelle Saint-Blaise-des-Simples de Milly‑la‑Forêt (dép. Essonne) – XIIe siècle

Située dans le sud-est de l’actuel département de l’Essonne, à Milly‑la‑Forêt*, la chapelle Saint-Blaise-des-Simples ( https://www.chapelle-...